top of page
Posts à l'affiche

Le réinvestissement de la créance de quasi-usufruit dans un contrat d'assurance-vie : entre sécu

Lorsque le démembrement de propriété porte sur une chose consomptible ou tout du moins "fongible", l'article 587 du Code civil prévoit que ce démembrement prend la forme d'un quasi-usufruit.


Dès lors, lorsque le démembrement porte sur une somme d'argent, le donateur conserve les pouvoirs de disposition sur la chose donnée. Il peut donc à sa guise, et sans le consentement du nu-propriétaire, réinvestir la somme donnée ou tout simplement la consommer. Il conviendra à ce titre de prévoir une certaine protection de cette créance (caution, indexation, inventaire...) afin que le nu-propriétaire soit assuré d'en recouvrer la substance au décès de l'usufruitier. Cette créance de quasi-usufruit s'inscrit au passif de la succession du donateur. Dans cette situation, le nu-propriétaire, qui n'est en réalité qu'un créancier, recouvrira sa créance en se servant directement dans l'actif de la succession du donateur sans en subir la moindre fiscalité.


Le quasi-usufruit a fait couler beaucoup d'encre par la Doctrine, et la jurisprudence retrouve depuis peu un engouement certain pour sa qualification. Nul doute que ce sursaut pour la Cour de cassation a un lien direct avec l'utilisation parfois excessive qui peut en être faite par les praticiens dans de nombreux schémas de transmission. La question qui nous anime toutefois aujourd'hui est celle du réinvestissement par le donateur quasi-usufruitier de la créance dans un contrat d'assurance-vie, dont le bénéficiaire serait immanquablement le nu-propriétaire créancier. On comprend tout de suite l'intérêt d'un tel réinvestissement permettant d'une part de gratifier le nu-propriétaire au titre d'une créance inscrite au passif de succession du donateur, et d'autre part, d'être bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie pour un même montant, échappant sous certaines conditions, aux droits de mutation à titre gratuit.


Un tel emploi a toutefois fait naître quelques complications.


Tout d'abord, un tel emploi ne se concevra qu'à partir du moment où la créance de quasi-usufruit est valablement constituée, notamment via une convention. La tendance actuelle de la Cour de cassation tend à considérer qu'une créance constituée sur un prix de cession, a posteriori, serait synonyme d'une réappropriation de la donation.


Une approche prudentielle conduit parfois, pour des raisons d’ailleurs tant civiles que fiscales, à ne pas procéder à un tel emploi des valeurs soumises au quasi-usufruit. Il reste que les difficultés fiscales suscitées par une telle allocation ne peuvent être ignorées, ne serait-ce que parce que cette préconisation n’a pas nécessairement été suivie par les protagonistes.


Dans une première approche, l’administration fiscale a tenté de s’opposer à la déduction de la dette de restitution en invoquant l’article 769 du CGI. Ce texte dérogatoire restreint la déduction des dettes lorsqu’elles ont été contractées pour acquérir ou dans l’intérêt d’un bien exonéré de droits de succession. Pour l’administration fiscale, la dette de restitution afférente au capital décès transmis au bénéficiaire en franchise de droits de succession, ne pouvait pas être soustraite de l’actif taxable, ou ne pouvait alors l’être qu’à concurrence de la fraction taxable du capital décès.


Ce fondement invoqué à l’appui de nombreuses propositions de rectification était juridiquement inapproprié. En effet, la garantie décès perçue par le bénéficiaire désigné par le souscripteur ne constitue pas un bien exonéré. Elle échappe par nature aux droits de mutation par décès puisqu’elle est transmise hors succession à raison de la stipulation pour autrui qui confère un droit direct du bénéficiaire à l’encontre du promettant[1]. Il a alors suffi aux destinataires de ces propositions de rectification de rappeler ce principe pour obtenir leur retrait sans qu’il leur ait été nécessaire d’élever un recours judiciaire.


Mais l’administration fiscale a persisté à s’opposer à la déduction de la dette de restitution en enfourchant un autre cheval de bataille qui bien que n’étant pas totalement dépourvu de fondement juridique semble également contestable. Elle se prévaut en effet parfois du caractère extinctif de la désignation du nu-propriétaire comme bénéficiaire de la garantie-décès qui confère à l’opération d’assurance-vie une nature onéreuse et une fonction de paiement, de telle sorte qu’elle éteint la créance de restitution du bénéficiaire à l’égard de la succession du quasi-usufruitier.


Il faut constater à titre liminaire qu’en retenant une telle analyse, l’Administration fiscale devrait en tirer toutes les conséquences en ce qui concerne la taxation de la garantie-décès, ce qu’elle fait rarement. Elle ne saurait sans contradiction susceptible d’invalider la procédure de l’article L.57 du Livre de Procédures Fiscales, à la fois soutenir que la désignation du bénéficiaire a pour finalité d’éteindre la dette du bénéficiaire, ce qui lui confère une nature onéreuse, et simultanément exiger le paiement des droits de succession sur les primes (article 757 B du CGI) ou la taxe spécifique sur le capital décès (article 990-1 du CGI) comme si elle en était dépourvue.


Ce point est même expressément confirmé par la doctrine opposable à l’administration en ce qui concerne le prélèvement de 20% ou de 31,25% prévu par l’article 990 I du CGI, lorsqu’elle précise que « les assurances qui revêtent le caractère de contrats à titre onéreux ne sont pas susceptibles d’entrer dans le champ d’application du prélèvement[2] ». Dans le silence de la doctrine administrative contemporaine, la même solution s’impose au regard de l’article 757 B du CGI. L’administration avait d’ailleurs précisé dans sa doctrine antérieure, tout en réservant l’hypothèse des dettes présumées fictives, que les droits de succession ne sont pas dus lorsque le contrat est souscrit en vue d’éteindre la dette du bénéficiaire à l’égard du souscripteur assuré[3]. Autrement dit, le refus de l’Administration de déduire la dette devrait la conduire à renoncer à taxer les primes sur les garanties-décès.


Toutefois, la dévolution de la garantie-décès bénéficiant d’une fiscalité privilégiée permettant parfois d’éluder toute imposition, il sera souvent préférable pour les héritiers de pouvoir porter la dette de restitution au passif de la succession et de relever des droits de succession ou du prélèvement spécifique pour la taxation de l’assurance-vie plutôt que d’échapper à toute imposition à ce dernier titre mais sans pouvoir déduire la dette de restitution à l’actif taxable.


Il semblerait qu’il soit impossible d’induire le caractère onéreux de l’opération d’assurance-vie de la seule désignation du nu-propriétaire comme bénéficiaire de la garantie-décès. Une telle finalité ne peut pas être présumée en l’absence d’expression de volonté du souscripteur en ce sens, ni être déduire de la seule circonstance que les primes ont été acquittées au moyen des valeurs sous quasi-usufruit.


La Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cette question. Certains juges du fond ont pu censurer la position de l’administration fiscale, précisément pour les motifs évoqués et en énonçant notamment que : « la circonstance que les héritiers de la défunte aient été en leur qualité de bénéficiaires des contrats d’assurance-vie réputés avoir eu seuls droit à partir du jour du contrat, au capital stipulé payable lors du décès de l’assuré, ne peut avoir pour effet d’éteindre la dette contractée par cette dernière[4] ».


Ces situations semblent pouvoir être entièrement sécurisées. La qualification de l’opération et la subsistance ou non de la dette dépend de la cause de la désignation du bénéficiaire et de l’intention du souscripteur qui peut être précisée par la clause bénéficiaire. Le souscripteur peut stipuler que la désignation du dévolutaire de la garantie décès a pour finalité de lui attribuer cette dernière hors succession, en sus de ses droits éventuels dans la succession et non de lui régler les créances qu’il pourrait détenir contre la succession. Dès lors que cette précision est avant tout destinée à préciser les intentions du souscripteur quant à la nature gratuite ou onéreuse de la désignation et à fixer les droits du bénéficiaire à l’égard de la succession, il n’est pas à redouter qu’elle puisse être critiquée par l’administration fiscale sur le fondement de l’article L.64 du LPF.

[1] Article 1121 du Code civil et article L.132-12 du Code des assurances

[2] BOI-TCAS-AUT-60, 12 septembre 2012 paragraphe 40

[3] Instr. 2O août 1981 : BODGI 7 G-9-81 ; JCP N 1981, prat.8048

[4] notamment CA Douai, 16 avril 2009, n° 07/06514

______________Auteur______________

Thomas RIGAL

Notaire assistant - Service droit des affaires -

Office Notarial VIALLA & DOSSA


Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Pas encore de mots-clés.
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page